... en Kabylie



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un coin perdu de Kabylie 

peut aussi être 

le cœur du monde



Des Cévennes à Tizi el Oued, du 18 août au 4 septembre 2014

Par Muriéoula


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18 août 2014  
Depuis la tour de Calviac



02 :15

Penser à ton départ
Aux saveurs particulières du premier pas
Imaginer cette histoire que toi-même tu ne connais pas
Souffler sur ton voyage comme tu as soufflé sur le mien
Aimer ses petits messages qui disent tout et presque rien
M’amuser de ton visage qui est déjà algérien


 03:33

Gravir à nouveau l’Olympe et ne pas tomber
même si la poussière,
même si le noir
Gravir l’Olympe et dédicacer mes mercis, les mercis à…
Allumer une bougie de Bedjaia et prier
Pour que le regard de mon fils grandisse
Pour qu’Olympe subsiste dans les voiles
et que la Kabylie me charme.

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18 août - Toulon – Bedjaia
A bord du Méditerranée


Je suis un gros bateau, un paquebot un titanic, un tas de tonnes.
Je nargue les voiliers. J’ai la taille de l’ambition des hommes et de la prétention de l’humanité. Je suis un gros bateau, je fends l’eau à grands coups d’hélices et le vrombissement de mes machines se fout du bruit du vent.

Écume, horizon, soleil, écume, horizon, soleil, écume horizon, soleil…

Le temps s’arrête. Nous sommes cinquante dans un bateau qui pourrait transporter deux mille personnes. Démesure absurde de notre temps..

Écume horizon soleil, écume horizon soleil…

Nous avons mis quatre heures pour avoir nos visas, d’autres mettent quatre  mois, quatre ans, quarante ans…

Écume horizon soleil, écume horizon soleil, le bateau s'arrete....

Je transporte 490 kg de chair humaine, 70kg d’instruments de musiques et quelques grammes de rêves.
Je porte un homme qui revient sur sa terre, une femme qui crée un pont entre le passé et le présent, un barbu qui violonne et pense à son grand père, un faux espagnol qui trombone et met un turban, une danseuse qui fiche son œil dans une camera, une irlandaise qui lit et sourit, une petite femme qui écrit et un enfant qui rêve que le matin l’accueille avec des croissants et les dauphins… .
Et le trombone se la joue Césaria, les turbines redémarrent et les vagues scintillent.

Écume et ciel, le noir de la nuit se confond peu à peu avec celui de l’eau

A la poupe subsiste une montagne dans la brume.

Il n’y a plus que le bruit des vagues et du trombone.
Je suis un gros bateau et mes compères sont parfois rempli d’exilés qu’on abandonne en pleine mer… .
J’efface les nationalités, je suis sans âge, sans racines, sans demain.

Je suis un grain de poussière dans une mer immense.

Winch Only.

La lune est un croissant splendide.

C’est la bougie de la nuit.

L’univers se déploie dans toute se grandeur et moi le gros paquebot, le titanic, le tas de tonne je devient petit petit minuscule dans cet infini.

Je suis poisseux et la nuit me tient compagnie.

Le croissant décroissant monte dans le ciel.

Tout est blanc de brume, le ciel et la mer ne se distinguent pas.

Je suis un gros bateau qui relie deux mondes,
deux terres divorcées,
unies par un même bras de mer.

Ici la vie ne tient qu’a un fil.
un papier égaré,
un plouf dans l’eau
et tout est terminé.

C’est puissant.
O lune, O mer.
Merci !

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Bedjaia

Falaises,
créneau du bateau,
douane
papiers
visas
contrôle
bienvenue
usines
pétrole
blé
bouchons,
montagnes.
Je retrouve l'Afrique
barbelé
ordures qui traînent,
devise, change
Je retrouve l'Afrique et ses carrefours anarchiques.
Oued soumman
Impression de déjà vu déjà connu
Un grand vent dans la gueule.
Mon visage se transforme,
mes yeux se durcissent,
ma nuque se dresse
Je me sens femme
Je pense à mon fils
On longe la mer et le village de Zidane.
Africa, me revoilà!

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Tizi el oued, la maison jaune
19 août


C’est un pays ou les hommes ont plusieurs métiers, ou les «  r » se roulent, se raclent et où chaque phrase finit par un « hé »en l’air, en voix de tète, le début d’un chant.
C’est un pays ou le pétrole n’est pas cher, où les montagnes splendides surplombent une terre jaune et des chemins de poussière.
C’est un terrain vague sans l’innocence de l’enfance, un chantier sans fin ou poussent des baraques de ciment, des mosquées, quelques jardins.
C’est le chant de l’imam et l’appel quotidien, des hommes doux et souriant qui perdent leurs espoirs dans l’horizon sans fin.
C’est une terre pillée, ravagée, saccagée par son voisin français pourtant ils y croyaient, pourtant ils y croyaient…
C’est le pays du châabi, de la poésie ancienne où la mélancolie l’amour et l’espoir se rythment, s’harmonisent, se chantent depuis des décennies.
C’est un pays où les brebis ont disparues, le foin n’y est plus, tout a disparu, tout à changé subitement, pourtant ils s’en souviennent, pourtant ils s’en souviennent.
C’est un pays ou les policiers sont à chaque coin de rue, ou ils font office de rond point, de feux tricolores tandis que la justice elle, n’en fait qu’a sa tête…
C’est un pays ou les discussions sont sincères, on se rebelle, on parle à cœur ouvert de corruption, terrorisme, injustice, mensonge… tout est interdit mais la parole, elle, semble libre.
C’est un pays ou les hommes et les femmes jouent sans cesse à cache cache, se voilent et s’épient et pourtant c’est un pays ou chaque jour on se marie, ou chaque fête est mariage, et des mariages il y a en a souvent…
C’est un pays de paradoxe, un miroir grossissant du monde étrange que nous construisons, c’est absurde, drôle et effrayant.
C’est un pays ou la nostalgie est devenue l’habit de tous les jours et malgré tout on nous souhaite la bienvenue.
Tsahèt



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O ma sœur
Ici les femmes portent des voiles.
Ici les femmes ne sourient pas, elles baissent les yeux, se baignent dans la mer en djellaba, font des enfants qui à leur tour deviennent parent dans la même maison. O ma sœur, comme nous sommes différentes et pourtant…
Ici les femmes ne fument pas, ne boivent pas, ne sortent pas des que la nuit tombe, sont rarement seule, n’ont pas d’amis hommes. Elles ne rient pas, elle prient, elles ne jouissent pas elles rougissent…
O ma sœur il y a aussi ici des femmes rebelles qui se dévoilent et qui tentent autre chose, je les aperçois de loin mais pour l’instant toujours pas de femme qui chante…
O ma sœur, j’espère que ta tristesse va mieux que ta joie reviens pas à pas.
C’est dur d’être femme, même chez nous, même partout.
O ma sœur, les larmes de partout ont la même couleur et les sourires aussi.


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Homme

Apaise toi
Ouvre tes oreilles et ton cœur, écoute les larmes des femmes et des hommes, écoute leurs crainte.
Il y a enfin une bougie qui brûle sur un support de canette dont il faudra effacer vite les traces.
Homme regarde autour de toi. Tout te semble si égal ? Combien de femmes artistes, combien de femmes en politique, combien de femmes réellement libres ?
Le jeu de cache cache n'en finit pas. La bougie brûle doucement et me rassure.
Homme !!  Ouvre tes yeux, ne voile pas ton âme, bats toi pour la liberté et l’égalité.
Regarde !La femme est ton alliée, ton amie et ses secrets, ses différences sont là pour te compléter.
Lis, renseignes toi, écoute, deviens féministe mon ami!!
Il ne suffit pas de prier à lueur d’une bougie de Bedjaia pour faire grandir ta foi, il faut aussi créer et respecter notre tendre humanité.
Devenons égaux pour de bon, respectons nous !!!




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Des Cévennes à Tizi el oued

Deux terres de résistance, deux pays de montagne où l'on tente autre chose. Amis de voyage. Nous sommes particuliers et défendons chacun à notre façon notre quête d'une expression libre sincère et entière.
Demain nous prendrons la route pour Tizi ouzou, la haute place des acacias et je suis convaincu que la bas nous trouerons des frères et des sœurs de jeu.
Assumons notre différence de voyageurs et d'artistes.
Il suffit de musique pour que nous sentions égaux.
Le monde est envahie par l'ambition et l'intérêt.
Notre voyage défend le risque, la liberté et la rencontre.
Nous ne sommes pas nombreux mais ensemble nous pouvons beaucoup de choses.
Et la musique  d'en face est là pour nous rappeler que nous sommes en résistance, résistants acoustiques.
Alors inventons nous face à l'electro mix dégénérescent de cette époque qui semble parfois voué à sa perte.


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De Tizi el oued à Tizi el ouzou
22 août




Tizi el ouzou, c’est une autre Algérie, plus tolérante, plus hétéroclite et plus bruyante.
Voiture aux fenêtres teintées
thon rouge
Coupure d’eau.
Face à l’autoroute, klaxons, ….
A quoi tient l’identité finalement ?
A notre environnement, à celui de notre enfance ?
Comment définir un comportement humaniste ? 
L'eau coule à nouveau du robinet.
Un camion brûle juste en bas de l'immeuble.
Les chiens gardent les trottoirs.



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23 août, Samedi, jour férié...


A la maison des anciens scouts

Le jeu de cache cache et la patience ont porté leurs fruits.
Les voilà.
Voilà les musiciens !!
On esquisse quelques As-salâm 'aleïkoum et la magie opère...


Et la magie d'Izlan vibre


La musique est un chant qui vient de l’intérieur
Les notes sont les mots qui dépassent la raison
C’est parler de cœur à cœur sans autre attente que de jouer ensemble
La musique est un jeu universel qui dépasse les limites les frontières les différences
C’est une langue sans racine sans frontière sans âge
C’est le cri de l’humanité transcendé en douceur
C’est des larmes déchirantes qui éclatent en chant.


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25 août
Tizi ouzou - A la lueur d'une bougie de Bedjaia


Je suis en Kabylie et l’aube du temps cogne à mes tempes,
j’entends le souffle amazigh et pourtant mon cœur est triste.
O yerbi écoute le vent de mon âme, il parcourt des déserts.
Dans l’aube de ce matin je cueille quelques frissons.
J’ai cru laisser mon cauchemar dormir dans ma maison
mais au matin, pourtant, tout est sale et gris.
Mes amis ne m’aiment plus et je ne ris plus de leurs déconvenues.

Je suis un arbre solitaire
Que frappent la pluie et la grêle
Cette éternelle maladie
je dois en faire un poème
Car l’amitié qui nous relie
Est chère à mon cœur de poussière

je suis fragile et solide
comme l’aube qui se lève
un voile de tendresse
se maquille de khôl
dans le regard  d’une kabyle
que le kif voile d’ivresse


A la lumière d’une bougie
je prierai encore pour toi
à la lueur de bejaia
je prierai encore pour toi


je suis éternel et  éphémère
comme le soleil je rougeoie
je rougit de mon rôle
et vacille dans les plis
d’une falaise berbère
sans âge, sans loi

Je suis compacte et friable
Comme l’olivier je m’accroche
aux ravins vertigineux
de la gorge d’une femme
le désert se rapproche
dans le henni de ses cheveux


Si l’on m’arrose trop j’étouffe et me noie
Si les larmes du ciel se refusent à la terre
Je sèche je dessèche et meure
Dans cette solitude amère qui me broie

Je suis douce et cruelle
Comme la poussière des chemins
si les sabots me soulève
je m’aveugle et j’étouffe
comme le jour je me lève
et aussitôt me recouche

Je suis l’astre et le gouffre
Comme la braise je réveille
D’un souffle rougeoyant
une brèche cruelle
une grimace noire
ou vivent les brigands

Si d’un geste maladroit l’opprobre s’abat sur moi
Si je foule du pied mes propres intérêts
Comme l’âne capable de manger son bat
Depuis une prison dorée, pourras-tu me pardonner ?

je suis doux et brûlant
comme l’astre qui tout coup
s’approche trop près
laisse ses ailes et se cache. 
Tout devient blanc
Et les oiseaux se taisent

Je suis un arbre solitaire
Que frappent la pluie et la grêle
Cette éternelle maladie
je dois en faire un poème
Car l’amitié qui nous relie
Est chère à mon cœur de poussière

A la lumière d’une bougie
je prierai encore pour toi
à la lueur de Bedjaia
je prierai encore pour toi,
pour toi, mon ami.

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26 août 2014

[....]
J’ose me dire femme libre, j’ose être Olympe seule sur scène et chanter mes Soliphonies mais il suffit que je change de pays pour que je n’ose plus ni chanter ni revendiquer quoique ce soit.
La seule liberté qu’il me reste est de me confondre dans les paysages, espionner, écrire et penser !!


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 Quand une partie du monde croit gagner des libertés et s’émanciper, une autre partie du monde pendant ce temps est violée, pillée et se voile davantage.

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Sur l'air de La Bohême...

« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ne peuvent pas connaître
Alger en ce temps était libre et rebelle
Les femmes s’exprimaient les hommes riaient fort leurs langues se mêlaient
et partout l’on chantait que la liberté était belle et que l’Algérie enfin renaissait…
Algéria Algéria te souviens-tu du temps d’hier
Algeria Algéria comme tes larmes sont amères… »

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Notre groupe est à l’image de la société.
Nous avons bien du mal à vivre ensemble, à se respecter.
Quand l’intimité de chacun est bafouée, quand la fatigue nous gagne et que nos croyances s’effondrent, la colère éclate.
Alors on s’engueule et puis finalement cela renforce notre amitié…
N’est-ce pas mes amis ?

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27 août


Sur l'air « dissident » de Lubat...
Nous sommes d’ici d’en bas, d’un village de là-bas
Nous sommes lassalois, d’une vallée qui rougeoie

Nous sommes des résistants, des guerriers acoustiques
Armés d'instruments, dissidents en musique

Nous sommes d’ici d’envie d’en chaabi
D’ici d’en redire de chanter amazigh
Dissident résistants beur blanc

Nous sommes nés à Boldj Menaiel, Paris, Alger ou Saint Étienne
à Londres ou à Marseille,  Shatz bury, Ales, Tizi el oued

Et l’on va à Tizi ouzou, où  l’on rit  où l’on joue
on s’engueule on repart à Souk el tenine ou à Melbou...

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Chroniques


Dans le bus, de Tizi Ouzou à Alger...
« - C’est quoi ces fumées au bord de la route ?
-  c’est une décharge, on brûle les déchets
     Plus tard…
- Et ça aussi c’est une décharge ?
- Toute l’Algérie est une décharge » Éclats de rires


Dans le taxi de Tizi ouzou...
Tu sais pourquoi les algériens ne tombent jamais malade malgré les maladies la poussière et les déchets ?
Parce qu'ils sont eux-même des microbes et quand les maladies viennent, ce sont eux qui les tuent…

J'aime l'auto dérision que les hommes font de leur pays.
L'humour est leur force.


A la une aujourd'hui..
Le footballeur Albert Ebosse tué dans un stade d’Algérie Spécial
Le footballeur de 24 ans a succombé à ses blessures après avoir reçu un projectile à la fin de la rencontre qui a opposé son club de JSK à USM d’Alger.
Les supporters de la Jeunesse Sportive de Kabylie ont tué leur joueur préféré.

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Jour d’après.

Je perds les dates et les jours… Alors jour d’après...
Djellaba bleue.

Et la rencontre à eu lieu, à nouveau, avec les musiciens d’ici....
L’accordéon à chauffé, mes muscles se sont déliés.
J’ai goûte à l’instant présent de la musique.
Cet instant ou les barrières se brisent,
ou le langage existe au-delà des mots,
des différences, des sexes et des pays.
Le forro se faufile entre deux préludes,
Mozart s’invite au milieu de la musique arabo andalouse
et le mélodica fait du bouche à bouche.

Et la rencontre à eu lieu...avec une femme qui chante.
Amel (qui signifie espoir en kabyle et sable en arabe).
J’ai commencé à poser quelques questions mais les oreilles des hommes faussaient les réponses alors on les a écartés de nous.
Et nous voilà enfin seules, libres de parler de femme à femme.
Elle est belle Amel avec sa fierté algérienne, ses Ncalleh à chaque phrase, ses abdoulillahs awufan qui ponctuent son français parfait.
Elle aime la tradition, c’est une partie de son être qu’elle ne remet pas en question.
Et puis...
Et puis chut,
le reste,
chut,
c'est secret,
c'est caché...

(...)

c'est cela l’Algérie,
des confidences,
des chuchotements...

(...)

Et nous rions ensemble quand les hommes à nouveaux viennent tournicoter autour de nous parce que ça les démange, ça les dérange de nous voir papoter ainsi.
Alors on finit par la musique, elle chante quelque chose d’ici puis à mon tour je dégaine l’accordéon et invite Piaf dans le vent de Tizi ouzou.

Merci Amel, Ticebhanin tilawin, Ruh i sslama Rebi.

Tsahèt Djamel, Amazigh, Mohammed et toi Amel, femme qui chante…

J’ai des frissons de vous quitter, signe que ce fut bon de vous rencontrer, de se sentir frères et sœurs au-delà des frontières, des traditions, des différences.
Nous avons jouer au même jeu !!


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26 août
De Tizi ouzou à Tizi el oued.


Prendre le chemin dans l’autre sens en passant par Tizgirt.
Mini bus.
Montagnes.
Cote d'azur kabyloise.
Corniche.
Beau
Le soleil se couche trop vite.
Et puis…
Restaurant clandestin de bord de mer.
Pas de femmes, à part nous quatre.
L’alcool ici est permis.
Plage de galet, dorade et thon rouge,
salade frites.
C’est bon.
Vin rosé.
Hocine et Hacène jouent. Les hommes tapent des mains. Puis le malaise arrive doucement, entre les ceux qui veulent rester, ceux qui veulent rentrer et le chauffeur qui tout à coup est pressé. Le ton monte. L'ambiance se tend.
On reprend la route
vite vite vite dit Shérif.
Il faut trouver de l'essence, du malzut.
On est dans le pays du pétrole non ?
On prend la route des bandits.
Ambiance tendu,
Il a beau faire nuit depuis longtemps.
Il fait chaud.
Un cousin militaire doit nous ouvrir la réserve port pour le lmazut.
La ville est animés, comme un soir d'été sur la côte française.
Le bus se faufile au milieu des militaires
Pas de mazult pour nous.
Échec.
On repart.
Le chauffeur conduit vite et mal,
la route est sinueuse et trouée.
Je pense à mon fils et sers un caillou dans ma main, pour me rassurer.
La femme animiste entre en moi.
Il fait chaud.
Barrage militaire. El boudjamar est à l’arrière.
Les flics scrutent nos têtes mais une barbe, ici, ça retient l’attention.
Hop ça passe
On roule vite et dangereusement
Pause pipi s’impose
vite vite vite…
Hacene torture le cerveau du gérant d’une station essence et on fait le plein
rapide rapide raide
Pipi
Malzut
vite vite vite
on repart.
Barrage.
Ça passe.
On roule
Silence
dodo.
barrage,
ça passe.
Dodo
et enfin Bedjaia.
Hocine se met à chanter
et tout à coup, on rit, on pouffe, on chante...
L’ambiance se détend, tout va bien,
on rit et on chante
et on oublie les les tensions, la chaleur...
...et les barrages…
Et la ça passe pas.
Le flic s’inquiète de nous entendre chanter !
Il s'énerve, demande les papiers et nous savons que notre boudjamar (barbu) n’a pas le sien.
Dialogue sévère et dur.
Il demande à ouvrir la porte arrière du bus.
Il ne faut pas qu'il demande les papiers.
Il ne faut pas qu'il voit la caméra.
Notre algérien préféré se gargarise d’excuse.
Cela apaise la colère du militaire qui,
finalement,
nous laisse filer...
et nous repartons…
sans chanter…
et arrivons sains et saufs.
Merci petit caillou...

Nous apprendrons plus tard que Saïd avait appelé tous ses amis pour qu'ils protègent notre route...
Tsahèt Saïd.


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Tizi el oued.

Adaptation Khalil Gibran « le jardin du prophète »

« Elle chante dans nos silences et rêve dans nos sommeils
Même quand nous sommes abattus et faibles,
elle est haute et triomphante
Quand nous pleurons elle est libre,

Nous lui donnons souvent des noms amers
et quand notre âme erre dans des endroits désolés
quand bien même nous traînons nos chaînes
Elle est  chose profonde, élevée et lointaine
Et bien que notre vue la plus perçante
ne puisse qu’apercevoir ses pieds,
elle est proche, dans chaque souffle
Elles est voilée, cachée pourtant quand elle parle,
tous les vents se changent en mots
Le sourire sur nos lèvres et les larmes dans nos yeux
se changent aussi en mots.
Quand elle chante le sourd l’entend et y prête attention
Quand elle arrive, l’aveugle même la voit et il est subjugué,
il la suit avec émerveillement et stupeur. »



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Kahina
Dihya, Daya Ult Yenfaq Tajrawt = belle gazelle, en tamazight
Kahena ou Kahina = la sorcière, en arabe


Propos allégués à la Kahina :
"Ils s'étonnent de vous voir dirigés par une femme. C'est qu'ils sont des marchands d'esclaves. Ils voilent leurs femmes pour mieux les vendre. Pour eux, la plus belle fille n'est que marchandise. Il ne faut surtout pas qu'on la voie de trop près. Ils l'enveloppent, la dissimulent comme un trésor volé. Il ne faut surtout pas qu'elle parle, qu'on l'écoute. Une femme libre les scandalise, pour eux je suis le diable. Ils ne peuvent pas comprendre, aveuglés par leur religion."


Elle brille comme une lumière qui éclaire le long chemin vers l'identité et la liberté des Berbères.

Elle représente la résistance à l’une des invasions les plus sanglantes de l’histoire de l’Algérie et incarne le combat pour la liberté d’être, et la liberté de conscience, un combat plus que jamais d’actualité.


Lalla Fatma N'Soumer,
Lalla N'Ouerdja
prophétesse berbère
ou druidesse musulmane
Barakallahoufik

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Mariage tradition et con-tradi(c)tion

Le feu brûle toujours sur la montagne d’en face....
...et pendant ce temps, on se marie en Algérie.
On dirait qu'il n’y a que ça qui compte, le mariage.
....
Et pendant ce temps la montagne brûle, les chiens aboient et les humains se terrent dans leurs misères !!

 Comme nous sommes cons !! Quel gâchis !!


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28 août jour J de mariage

Les hommes partent en montagne
les femmes s’écoulent en gouttes de sang
Jour de lunes pour deux Mariéoula

Coule et coule le sang sur la terre
La souffrance des femmes comme cycle de vie

Une larme rouge glisse sur la roche
Elle se faufile et coule
Elle pleure en silence

Une larme rouge rythme la danse
Balancement de ventres
Entrailles qui chantent
ou se déchirent

Une larme rouge s’enfuit
Elle tache la nuit
nuit de mariage
nuit du dépucelage.


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et quand enfin je chante pour les hommes
et quand enfin je chante pour les femmes
quand enfin on me laisse libre d'exprimer mes talents, mes émotions

l’épreuve prend sens

le voyage devient sublime

et je tombe subitement amoureuse de ce pays
et de ses gens.

Je suis paradoxale

comme la Kabylie

comme l'humanité...


Puisse le chant continuer de briser les frontières

puissent les clowns parler mille langages.


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29 août
Je suis fatiguée. Alors je lis...

Extraits de Tahar Djaout , "solstice barbelé"

« Et ce chant nu de grive
Changeant la brume en sel
Les attouchements d’herbe
Émerge un abysse
Plus luxuriant que ton ventre
Au loin la mer vieillie »

« Les femmes bleuirent leurs yeux pour pleurer avec coquetterie, elles buvaient du miel de bon matin pour faciliter les modulations chaudes et carnassières de leurs voix »
    ...
« Dans les implacables montagnes de Kabylie ou l’été est accablant et où les hivers tannent la peau, l’homme à appris à vivre frugalement, le sens des valeurs morales, de l’honneur en particulier supplantant les biens matériels. »
...
« Par ce vent qui colmate la plaine des sous bois, je sais que le figuier n’en a plus pour longtemps mais je t’attendrai encore dans le ciel ou se tisse un long manteau de pluie. »
...
« L’arbre entortillé rêva tout haut d’azur
    Mes branches doivent se taire
    le soleil parlera à leur place
    Je t’attendrai debout sur le même sourire
    Pour conjurer la tempête….
    Sous le ciel harnaché,
    la mer cisèle un fruit d’azur,
    je lui léguerai mon squelette »
...
« Les gamins m’en voulaient d’être allé si loin et d’être revenu aphone »
….
« Et les youyous lancinants décapitèrent un pan de nuit…les étoiles lancéolées vinrent tournoyer autour des bougies sans même être invitées »
...
« Les agaves explosent leur première inflorescence dans un accouchement dramatique puisqu'ils meurent après leur unique floraison.. «
...
« Le Djurdjura dresse ces cimes avec tellement de fierté pour insuffler du courage aux hommes exilés. »
….
« Algérien ! fais ton devoir !
Algérien vote efficacement !
Algériennes ! Toutes aux urnes. Pas d’abstentions.
L’heure de la décision historique est venue. » (1988)
...
« Cap sigli ou se dresse un phare, vigile lumineux, bouscule les horizons du rêve pour nous parler des terres lointaines et scelle la fraternité du terrien et du navigateur, passerelle de lumière jetée vers d’autres territoires. Un coin perdu de Kabylie peut aussi être le cœur du monde »
….
« La canicule s’est dissoute happée par l’immense ventre bleu.
Une brise caressante passe sur nos visages,
apporte un goût de départ sans retour »
...
« En attendant je peux goûter à mon aise le vent du large
et limer ma langue aux squelettes de seiches
qu’offre à ma soif sempiternelle la clémence de la plage. »
….
« Des sèves anciennes de la civilisation nourricières, je prie pour qu’une nouvelle civilisation émerge. »



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Ici la vie ne tient pas un fil...


Je vois des femmes belles comme des fontaines de jouvence, dont les henni parent les mains et les pieds et dont les hanches se balancent au rythme d’une soif de vivre effrénée.
Je vois des femmes dont la peau au brun tendre s’habille de robes colorées,  de regards profonds et noirs, et dans leurs yeux maquillés de khôl, l’infini et l’horizon se défient. La nuque fière, les seins en pointent, leurs sourires s’écrasent sur le sable comme le sang qui s’écoule.
[...]


Ici la vie ne tient pas un fil, elle tient à une goutte de sang
et si le drap n’en porte la pas la trace, le père jugera sa propre fille
Ici la vie ne tient pas un fil, elle tient à une goutte de sang
si la tache intime  n’est pas dévoilée en public la condamnation sera terrible

Ici la vie ne tient pas à un fil, elle tient à une goutte de sang,
alors parfois on la déguise et l’on maquille le drap blanc,
pour sauver la réputation d’une famille, pour sauver la vie d’une jeune fille.

Ici la vie ne tient pas un fil, elle tient à une trace intime
et si la pucelle ne l'est pas, si l’hymen s’est brisé avant l’heure
alors on craint le pire, c’est l’occasion pour les hommes, de renier, de bannir.

Ici la vie ne tient pas un fil, elle tient à une goutte de sang
et si le drap blanc reste intact, le glaive ou le yatagan
s’abattront sur la nuque tendre d’une jeune fille
qui ne fit l’amour qu’une seule fois.

Ici la vie ne tient pas à un fil, elle tient à une goutte de sang,
alors parfois à grands coups d’aiguille on perfore le ventre naissant
parce que l’on a aimée trop tôt, parce que le mari est violent,
parce qu’on s’est fait violée avant l’heure du sacrement.

Et l’on préfère tuer l’enfant à naître plutôt que de paraître infâme,
aux yeux d’une communauté ou la virginité symbolise la pureté de l’âme
ou la fêlure une membrane fragile devient le prétexte d'horreurs infâmes

Et dans ce pays, je serai déjà morte
car mon intimité singulière et la forme particulière de mon hymen
aurait effrayé toute une assemblée et m’aurait à coup sûr
jugée et condamnée.

Ici la vie ne tient pas un fil, elle tient à une goutte de sang,

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Tizi el oued, 28 août 2014
A yemma


[...]
Femmes mais qu’avez vous donc ? Quel est ce mal qui vous ronge ?
[...]
Je vois vos regards tristes, je vois vos yeux durs et je ne puis soutenir que vous attendiez ainsi passive, qu’un dieu lointain vienne vous sauvez. Il y a dans vos racines, des femmes qui ont lutées, des villages ou l’égalité existait. Il y a dans votre passé des savoirs faire et des chants précieux que vous laissez s’étioler et disparaître sans rien faire.
A yemma que faites-vous ? Vous ne cultivez plus vos champs, vous ne bercez plus vos enfants, vous vous planquez derrière des télés et osez parler de traditions quand vous n’en gardez que l’apparence et que s’effrite les secrets et les trésors ancestraux.
A yemma ! Comme j’ai mal pour vous, comme j'ai mal pour moi.
Je suis de la lignée des femmes qui résistent, qui souffrent des interdits et de la domination alors  je tente comme je peux d’honorer leur combat, notre combat.
Et vous françaises, qu'attendez vous pour vous contenter d'une vie plus simple sans tout cet apparat absurde. Qu'attendez vous pour réduire vos besoins, troquer vos écrans contre des livres et échapper aux frivolités absurdes que nous vendent les pilleurs du monde ?
Et toi Mariéoula, qu'attends tu pour faire de la rage que tu ressens, un chant  libre et sincère ?


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29 août, balcon de Tizi el oued,
il est 6 heures et un moustique m’appelle.


Et ça sent déjà la fin.
Le vent se lève et l’aube me réveille comme souvent cette année…
Les montagnes se découpent joyeusement dans un pastel nuancé.
Une traînée de poudre laisse deviner les résidus du feu, de l’incendie.
Et l’on dirait presque que la montagne ne brûle plus.
Au loin la mer.
Le moustique ne m’a pas raté et je bénis mon doigt gonflé
qui m’offre ce moment sacré dans l’aurore de l’été!
La branche d’olivier s’agite comme pour reprendre de la liberté.
Petit à petit, sans se précipiter,
une gorgée de soleil sculpte les falaises,
détache les cimes  pointues
s’accroche à leurs découpes
puis doucement dans mon cœur naît,
déjà,
la nostalgie.

Il m’aura fallut sept jours pour tomber amoureuse de ce pays,
de ces femmes et de ses hommes.
Sept jours  pour entendre leurs rires et les faire rire à mon tour.
Mon clown qui s’agite,
des gamines qui me poursuivent,
et cette jeune femme enfin
qui me parle de son rêve
son rêve de rebelle.

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Algéria mon amour, tu m’as prise dans tes filets.
Je connais la fidélité de mon âme et je savais bien,
O Africa, qu’un jour tu me rappellerais à toi. 
Pardonne-moi d’avoir mis si longtemps à revenir
et dans les youyous des femmes
je retrouve une part de mon âme.

Belle et fière, suspendu à un fil trop fragile,
beauté troublante et cruelle,
la terre chante dans le sourire de Linda,
dans le sable qui se mêle
aux frappement des pieds des hommes,
dans la poussière qui se soulève
ingrate et pâle d’amour.

Les jarres de terre dansent sous une lumière intense.

Tous les astres me sont contrèrent
alors je naviguerai à contre-courant
et tant pis si le blanc des montagnes me condamne à l‘exil,
ce calvaire vaut mieux qu’un paradis artificiel.

L’opulence fait perdre la tête,
la puissance devient tyrannie dans les hommes
qui s’aveuglent et s’éblouissent de profit.

Algérie, le désastre t’a rendu visite,
mes ancêtres ont massacré des vies
et mon cœur hurle de honte.
Le jour est devenu nuit
et ma tête tombe de tant d’infamie.
O peuple de mes aïeux qu’avez-vous fait ?
J’ai honte de vos massacres
et si ma mort pouvait réparer le sort auquel vous avec condamné ce peuple,
alors je courrai sans regret me jeter, comme le font les femmes de Bedjaia,
me jeter du haut de la balustrade de la place Guyton,
pour me suicider dans ce lieu d’indicible beauté
où les montagnes descendent en trombe pour se baigner,
où les printemps berbères déclarent le début de l'hiver.

Mais il me semble que pour l’heure il vaut mieux rester en vie
et chanter votre malheur et crier la poésie des hommes qui résistent.

Si ma parole est pauvre, je puiserai dans leurs larmes
les vers étranges et amers qui subsistent au drame.
J’ai honte des coups que vous avez porté,
honte du sang que vous avez fait couler,
honte des torrents de larmes qui coulent encore
et des charmes que vous avez rompus.
Prenez garde peuple français,
prenez garde armées avide de sang et d’argent,
hommes pilleurs, envahisseurs,
humains décharnés de valeurs, pauvres de sagesse et d’humanité,
prenez garde à la révolte
qui un jour tentera de réduire à néant vos massacres puants,
qui un jour vengera les morts que vous portez dans vos bras.

La terre tremble de douleur,
les montagnes hurlent de rage,
les broussailles s’enflamment
et mon cœur souffre de cette déchirure.
L’écho de vos conquêtes n’a pas de chant,
c’est un cri d’injustice qui s’élève des plaines,
c’est un silence pesant qui fait taire même les oiseaux,
c’est un passé lointain dont il ne reste que quelques miettes à peine visible.

Un jour s’élèvera de la terre un cri déchirant, lancinant,
un jour s’élèvera des montagnes une fumée épaisse et terne,
un jour sortira des chaumières une colère sourde et cruelle
et je prie pour pour que naisse
des larmes souterraines et de la vengeance qui gronde,
un chant d’amour puissant,
d'une beauté éternelle.
Je prie pour que la rage de vivre
ne se transforme pas en haine
qui anéantirai le monde, la terre
et nous jetterai tous dans les ténèbres,
dans un long cortège cruel et odieux.
...odieux

….O dieux,
Dieu de l’océan et du soleil, dieu de la terre et du ciel, 
Puisse l’amour se répandre un jour sur la terre et couvrir les blessures ancestrales d’une couche épaisse d’argile.
Puisse le chant des femmes accueillir la sagesse et la douceur des hommes, puisse le silence des hommes pénétré la femme de courage et de force.
Alors les larmes et les rires se mêleront et abreuveront la terre d’une nouvelle lumière.
Alors les hommes et les femmes vivront en paix, réunis dans un même être d'une une beauté singulière, éternelle et universelle.
Alors, la terre sera ivre de paix et l’univers chantera à nouveau.
Mektoub

Mon doigt à dégonflé, il est bientôt huit heures et je retourne me coucher.
Tsahèt.



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Et puis parler d’amour
Et puis parler d'amour avec un prince d’ici,
un prince qui a vu de trop près
la mort et les conflits.
Parce qu'ici , même si tu survis à la guerre,
l'amour à un prix, l'amour se paye cher.
Alors les hommes qui veulent rester libre glanent comme ils le peuvent
quelques grains de tendresse dans les bras des putains.
Un voile bleu à passé la nuit dans le creux d'une épaule
qui n'avais jamais vu l'aube se lever dans le sein d'une femme,
qui n'avais jamais vu l'aube s'habiller de tendresse.
Parce qu'ici la musique peut te coûter la vie
quand tu rentre la nuit armé d'une mandoline
et que tu pries sur le chemin pour que les moudjahidin
ne te prennent pas pour cible.
Ici l'enfance n'a pas d'innocence,
ici les larmes sont taries et sèches.
Ici chaque famille porte dans son histoire
un drame terrible qui la mine et l'accable.
Ici il ne reste plus que la prière comme espoir.



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O tendre paradoxe

O tendre paradoxe qui bouleverse mon âme, mon humanité.
Ce voyage à mis en exergue les valeurs qui me sont chères et affirmer mon identité, ma personnalité. Ici je ne suis personne et je suis tout le monde.
O tendre Algérie, toi qui te voile pour mieux dévoiler les tréfonds de nos âmes. Les femmes se cachent, les hommes flânent dans les ruelles sales.
O belle Kabylie qui résista si longtemps, tu sembles crouler sous les poids des ennuis et des années macabres.
O terre des montagnes, de la mer et des déserts qui n'a de fêtes que pour les mariages, tu dévoiles à mes yeux la difficulté que les humains ont pour s'aimer.
Et ton ciel pourtant est si beau, comme partout.
Et ton ciel pourtant crie l’espérance.
Edgoul, la lune ce soir nous accompagne enfin et le le rythme se mêle à des mélodies universelles.
O belle Hélène et ton œil voyeur, tu crée la distance entre le visible et l'invisible. Le cœur de ce voyage est dans les images que tu n'as pas pu filmer.
Ce voyage est à l'image des mirages qui éblouissent les hommes et les femmes.


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31 août.
Dernier jour pour Shérif et Yacine.

Les hommes ici sont privés de tendresse.

Dans un décor qui pourrait être de paradis,
dans une décharge de plage,
un couple se cache  et s’enlace.

Dans Bedjaia qui se cherche entre tradition et modernité,
deux mains se rapprochent,
deux passés douloureux se font complices
dans le creux d’un pays pessimiste
ou mendie les maliennes
et leurs filles d’ébène.

Dans ce qui pourrait être un vaste paradis
tout n’est que cauchemar pour des yeux qui ne savent même plus pleurer.
Un homme rêve d’enfant, une femme pleure doucement
Ça sent la mort même dans l’amour.
Ça  sent le deuil même dans le chant.

Un camping de fortune accueille sans illusion
des familles qui cueillent des bouts d’horizons.

Une femme fatigue de ce voyage absurde
et pourtant déjà en elle, frétille
un futur différent.


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1er septembre
Le kif plonge mes yeux dans un sommeil lourd et profond.
Les bruits de conversation s’évapore dans la nuit.
La chaleur accablante écrase les émotions et les jambes lourdes se plaignent au moindre pas.
Les pensées se brouillent.
Tout appelle au calme et aux caresses mais ici on s’épie, chacun scrute l’autre et l’interdit érige ses lois macabres qui poussent au mensonge.
La réalité est cachée, voilée comme les visages.
Les hommes et les femmes s’aiment en cachette et se marie à la vue de tous. Les désirs s’accentuent face à l’interdit, les fantasmes n’ont pas de limites, les caresses se faufilent entre la plage et la rue, entre les bus et les ruelles.
Caresses rapides, courtes, dangereuses, elles augmentent le désir et tuent un peu de tranquillité.
Il faut aimer vite, vite, vite, avant que l’aube ne se lève, avant que les autres ne condamnent ce qu'ils jugent être un faux pas, une tromperie, une déclaration de guerre.

L’amour ici est une loi.
L’amour ici passe par le mariage,
La tendresse ici est hors la loi.


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Deux frères


Deux frères se retrouvent sur une terrasse,
l’un plus âgé est marié,
l’autre chante dans les mariages
et la musique relie leurs cœurs d’enfants brûlés.
L’un a fuit sur une autre terre,
l’autre résiste près de son père, près de sa mère.
L’un a construit sa maison dans un village,
l’autre ne connaît qu’une maison, ses chansons, et voit vieillir ses parents.
Deux frères se font face,
un banjo et un mandole s'accordent au même tempo.
Ils jouent au même jeu et dans leurs yeux
s’écoulent le temps, et tous les ancêtres.
Le chant ancien se réveille,
la terre revit et le sang devient chaud.

Deux frères réconcilient la France et l'Algérie
et la mer immense est un ruisseau timide
face aux liens forts qui les relient à leurs terres.

[...]
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Coucher de soleil sur Tizi el oued.
Et hop le soleil a disparu d’un coup d’un seul.
Ici le jour se lève et se couche subitement sans prendre le temps, ni prévenir.
Et le ciel se couvre des méandres oranges, et le ciel encore offre le plus beau spectacle, celui qui n’a ni fard ni faux semblant, celui de l’éphémère et de l’éternelle impermanence.
Horizon sans fin, enfin sans faim je cueille dans tes lumières un espoir qui lui n’est pas vain, et même sur une terre de misère, de honte et de guerre quand tu déploie tes gravures subtiles, quand tu ouvres généreux tes sillons fragiles, alors tout redevient paix.
Au loin Soumman se détache déjà et ses crêtes découpent une musique éternelle. Ils peuvent allumer des feux, bétonner la terre, ils peuvent se noyer sous les artifices de l’apparence et construire des barrières, jamais l’horizon ne leur appartiendra. Il suffit d’avoir vu ce spectacle une seule fois pour tenir en vie et retrouver le chant infini de la liberté, l'espoir. La liberté tient à un coucher de soleil, à quelques mots et aux chants des oiseaux.
…...

[...]
…..................
2 septembre…. Bonne rentrée mon fils…
…...................

 Traductions

Ya Zahia - Cheik el Hasnaoui

Ya Zahia, Tes yeux noirs, chaque nuit quand je les vois  je n’arrive pas à dormir
Ta taille est longue, ton charme est beau, mon cœur est présent à toi
Tes sourcils sont maquillé et tes cils fragiles tu as un regard de Saharia de soirée, tu as des vêtements magnifique, des cheveux bouclés et ta peau brune est sucrée.
Dans mon cœur je t’ai gardé, il n’y a que toi que j’aime, tu es ma vie.
Dieu t’a donné un charme d’oiseau Hedjla, le plus beau du monde.
Ton regard me fait tourner la tête et m’a agité, tu m’as envoûté. J’ai peur de devenir fou. Dis moi qu’est ce que je fais, toi la lumière de mes yeux. Le jour même ou je t’ai vu tu as eu une place dans mon cœur, ma vie c’est toi. Depuis le matin jusqu’au nuit les larmes ne s’arrêtent pas de couler, je suis tomber amoureux de toi.

 Ldazyr - Matoub
On a cru que ça y est on a l’indépendance mais le vautour qui a gouverné le pays à détruit et mélangé toute son histoire. Le propriétaire de ce bled est devenu esclave, faible et maintenant c’est un morveux qui a pris le pouvoir avec ses proches. Les gens ont voté pour un âne pour se faire écraser la vessie et lui, il rentre sur la pointe des pieds en boitant et en se cachant, sans être vu.
Les années 80 ont fait sortir les gens pour réclamer leurs berbérité. Les femmes et les hommes sont en train de chercher où se cache la vérité, la vérité qui a été exilée, chassée. Ils n’ont pas reconnu le méchant caché derrière. A la moitié de la rue, au milieu de la route ils ont empêché les gens d’avancer et on ne sait pas qui a donner l’ordre de passer. (ils ont violée les femmes des universités, le printemps berbère est devenu le début de l’hiver.)
Quelqu’un assoiffé de pouvoir, est venu avec sa djellaba en dansant pour chiper dérober les richesses. La déchirure s’ouvre encore sans s’arrêter et pendant que certains sont malheureux, certains sont dans une vie d’opulence. Les gens  sont étonnés, choqués. Comme l’aimant qui attire le fer il se gave, engloutit dévore sans penser aux autres. Les années qui passent sans arrêter le bruit et le vacarme ou coule les torrents de sangs, dans un grand feu qui n’est ni sucré ni salé.

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Extraits


Matoub et autres...

«Je chante en berbère et cette langue disparaît. Si je ne chante plus ma langue, je serai impardonnable. «

« Tout ce que le ciel déverse sur la terre, le sol l’accueille et boit ses pluies, ses torrents et ses orages. Le peuple d’ici accueille lui aussi tout ce que l’état fait de mal honnête, toutes les injustices mais ça, ce n’est pas normal. »

« On peut tenter de décrocher les étoiles, rien n’empêchera la nuit de briller ».

« Le feu brûle tout : le vert et le sec, le bon et le mauvais. Tout s’envole en poussière, en fumée… qui n’apporte rien »

« Si tu enveloppes ton corps de silence, tu entendras le chant de l’âme. »

« Le bled est comme une panthère. Quand elle a faim elle mange ses propres fils. »


« La loi des croyants ». Saïd Amadis
« La culture est un bien universel qui appartenait à tous, de droit, de fait, mais il fallait être vigilant et combattre ceux qui voulaient en exclure les autres. Ce petit peintre amateur, dans son sens d’amoureux, d’amant de la beauté, lui avait fait comprendre par la seule puissance de son amour que la culture est une somme et que lui, Karim faisait partie de cette somme. »



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Ils ont massacré un peuple entier
Ils ont détruits des ponts, construits des barrières
Ils peuvent essayer de cueillir toutes les étoiles
ils n’empêcheront jamais le ciel de briller.

Ils ont allumer des feux, bétonner la terre,
Ils ont violées les femmes et pousser les hommes dans des cimetières.
ils peuvent brûler la montagne
Mais jamais l’horizon ne leur appartiendra.

Ils ont violés les femmes et tuer leurs enfants
Ont  enfermé les cœurs dans des drames macabres
Ils peuvent empêcher la musique et interdire de jouer
Mais dans le silence résonnera toujours le chant de l’âme

La liberté tient à un coucher de soleil,
à quelques mots
et aux chants des oiseaux.

Les hommes ici sont enterrés
couchés sur le coté,
face à la Mecque.


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Tizi el oued 2 septembre 2014


Le temps s'est arrêté
sur un balcon sans frontières.

Deux langues ont mélangés leurs chants
une peau brune s'est maquillée de blanc
deux yeux bleus se sont parés de noirs
et la montagne s'est fait belle.

La nuit à étouffée les larmes
a masqué d'un voile sublime les façades bâtonnées
les déchets et les cadavres.

Un coin perdu de Kabylie peut devenir le cœur du monde
quand deux âmes s'habillent de tendresse
et que enfin
tout est calme.



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Dernière soirée.


Dernière soirée,
coucher de soleil et bain de mer pour certains.
Ce matin la musique s'est mêlée, emmêlée
entre sweet georgia et boutabani.
Mazel     . Asaoul.
Odeur de nostalgie, sable humide 
tente étoilée de trous qui vit naître
quelques larmes de tendresse.
Le temps à passé et une partie de mon cœur s'est attaché ici.
On peut perdre du temps en attentant le thon
mais il n'y pas pas de temps à perde pour chanter...
N'est ce pas Nnamussa, n'est ce pas Zoch...

Musique : Oulahlou : Pouvoir Assassin/ Takfarinas

Terwi di 5 juillet
Yekker uhetwir di lhara
D la finale n la coupe d’Algérie
A3raben d la J.S.K
Mi-d kecmen les Canaris
Widak i-g-yesdukulen
Nettsugu anwi wigi
D IMAZIGHEN
Imi d-yuli Pinochet
Nekkwni ghernegh d Boumedyen
Le stade yakkw la yetsgenni
Smekti-yi-d amek akken

Pouvoir assassin, pouvoir assassin,pouvoir assassin, assassin assassin...



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Et dans l'aube qui se lève, une femme pleure. 
Lune dis moi pourquoi tu disparais si vite dans ce pays ?
Dis moi pourquoi ici tout est si imprévisible et éphémère ?
Si terrible et si magique...
Et dans l'aube qui se lève un homme part.
Du port de Bedjaia un bateau lève les amarres.
Le coq chante.
Deux frères se séparent
Une troupe titubante prend la route du port.
Et dans cette terre saccagée, souillée, salie, trompée, résignée
coule pourtant une énergie de vie intense, puissante et sacrée.
Faut il que les hommes se fassent la guerre pour ressentir l'incroyable force de la vie ?

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Départ de Bejaia. 13h
Vue depuis la poupe - Place guyton.

Kabylie, pardonne moi, je pars.
Je passe de ta terre brûlante,
de tes larmes sincères,
de ton chant savoureux
à ce paquebot absurde qui pue le luxe.
Ta musique me manque déjà, ta chaleur, ton sourire.
J'ai le privilège de pouvoir voyager, de pouvoir payer une billet de bateau et un visa, de partir et de revenir.
Alors que tes enfants à toi, O Algérie, sont condamnés à être prisonnier de tes bras barbares ou à s'exiler loin de toi en pleurant.

Et l'on monte à bord de ce paquebot
Noyé dans une mascarade musicale,
le bateau décolle de terre.
...
Et les français gentiment rentrent chez eux.
….

Bye bye Bedjaia
On laisse la merde et les injustices que le monde à semé sur cette terre.
Cette terre qui pourtant m'a conquise
qui sait faire de ses douleurs un chant somptueux.

Je reviendrai en décembre,  Insha Allah...


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Bejaia - Marseille

Les corps s'affalent sur les moquettes
On investit chaque coin du bateau pour dormir sous des tentes de fortunes
Et la nuit tombe

Je m’écroule de fatigue, de joie et de tristesse confondues

Et puis plouf

La lune frôle la mer
Son croissant trop rond l'emporte vers le fond.

Et puis ploum.

La lune tombe orange, sa cuisse lourde plonge dans l’océan

O Edgoul.

Plus tard l'horizon se barde de mille feux
Les hommes s'agenouillent sur la moquette
Allah akbar

et puis ping
un bout de rose perce la mer

Plouf, ploum, ping, l’univers se fait beau

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Marseille, trajet en bus.

Retour en France.
tout est propre et aseptisé.
Petit air frais et short court pour Mesdames.
Et le béton encore plus.
Pas de poussières.
Des vieux, des cheveux blancs de partout.
[...]
La France et ses ronds points pour mieux tourner en rond,
son identité qui se compte en fric, qui fait son style, ultra économique.
Ses bus ou l'on rentre par devant et on l'on sort par l'arrière.
La France et ses mini jupes comme si la liberté tenait à une tenue, à une marque, à un Ipod ..
La France et son luxe dépravé, ses musiques commerciales
et ses beaux paysages aussi.
Direction l'Estaque.
[...]
Oh la France et ses jolis voiliers tout propre,
La France devenue souveraine par le pillage des richesses, l’esclavage des peuples et le massacre des traditions.
La France devenue riche par des comportements inhumains.
Obèse matérialiste si pauvre d'humanité et de valeurs.

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Calviac
4 septembre

Quelle honte. Mais quelle honte.
Le monde a mal, le monde va si mal.
Le monde étouffe de déchets, d’injustices et d'inégalités obscènes.
Quelle honte !
Comment la nature peut être si belle belle et l'humain si con ?

Je souhaite que mon combat soit plus grand,
plus noble pour tenter de rendre plus vivable le mal qui ronge la planète
Je veux chanter l'amour par delà les mers et les frontières
car il n'y a que comme cela que je peux supporter la vie,
car c'est ce que j'ai de mieux à offrir au monde.

Nous enfants de la terre,
troubadours des temps modernes.
princes et princesses des mots et des notes,
nous promettons que nous chanterons l'amour, l’espérance,
la tendresse et la résistance,
par delà les mers
et les frontières
pour tenter d'adoucir
le bruit de la guerre
pour tenter d'adoucir
le vacarme de la misère.



Muriéoula, septembre 2014




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Idir
Muqleɣ "j'ai contemplé"


Ur zriy ans'i d-ekkiy              Je ne sais plus d’où je viens
Ur walley sanda tedduy        et encore moins ou je vais
Mi ekkery ad steqsiy             des que j'envisage de m’enquérir
Ad affey lihala tluy                la situation s’altère et m'embrouille
Amzun seg igenni d-eyliy       C'est comme si j'étais tombé du ciel
Ccah deg-i mi tettuy              cela m'apprendra d'oublier
Ccah deg-i mi tettuy              cela m'apprendra d'oublier

Beddey di tiyilt sawley          Je m’arrête au sommet d'une crête pour protester
Tiyri-w teyli yer wannu         et mon cri plaintif s'évapore dans l’abîme
Mekney lewhi'w ad sley        Je prête attention à quelques écho salvateur
Allay la itezzi irennu             Lorsque soudain mon esprit se trouble
Tdal-d lqebla muqley            L'orient m’apparaît alors et me désoriente
Tummer-iyi-d tenna-k : « Eknu » En me dictant une soumission fatale

Mmuqley tamurt umaziy        Je m'en retourne au pays berbère
Yurguten walley udem-ik       J'entrevois sa majesté Jugurtha
Nnesma n wanda lliy             Je sens dans le bien être de la brise
Hulfey ad cewqey s yisem-ik  le bonheur de clamer ton nom
Tabratt-ik segmi tt-yriy          après avoir décrypté ton message
Ferhey imi lliy d mmmi-k        Je suis fier d’être ton descendant
Ferhey imi lliy d mmmi-k        Je suis fier d’être ton descendant

Mazal ad neyz ad nmuqqel    Nous partons encore en quête de nos origines
Ad nehlu ad nesteqsi              ratisser chaque recoin déterrer nos racines
Ulac tardast ad nezgel           et ferons la lumière à chaque obscurité
Ad nsity tafat ma texci           pour enfin rétablir la vérité bafouée
Ma, ndegae tardast n laeqel   car si nous délaissons notre précieuse identité
Aneyrum-is ul'ansi                 on n'aura plus aucun espoir de la recouvrer
Aneyrum-is ul'ansi                 on n'aura plus aucun espoir de la recouvrer


Ur zriy ans'i d-ekkiy              Je ne sais plus d’où je viens
Ur walley sanda tedduy        et encore moins ou je vais
Mi ekkery ad steqsiy            des que j'envisage de m’enquérir
Ad affey lihala tluy               la situation s’altère et m'embrouille
Amzun seg igenni d-eyliy      comme si je tombais du ciel
Amzun seg igenni d-eyliy      comme si je tombais du ciel



4 commentaires:

Anonyme a dit…

pas de mots... tant de mots... et si peu... vibrante amante du monde, je t'entends et te tends une rose. bises

Anonyme a dit…

26/10/2014 à 22:17
Pour rompre avec une certaine image de la Kabylie ‘’une région de kidnappings et d’assassinats ‘’ ; jetons un regard sur le blog de Murielle Holtz artiste et comédienne venue d’Alès (France) en compagnie d’une association culturelle de sa région. Elle raconte son agréable séjour Kabyle de façon très poétique.

Murielle Holtz a dit…

Merci d'avoir lu mon carnet de voyage et de l'avoir partagé. Je ne suis pas sur que mon regard soit toujours juste mais j'ai essayé d’être sincère et je suis ravie que tu ais apprécié mes écrits. Je retrouve ma vie de française et continue de jouer les si belles mélodies kabyles!

Anonyme a dit…

j'ai partagé ton lien avec beaucoup de plaisir. je sais que tu n'a s pas eu le temps de cerner les contours de la question locale , bien que tu aie bénéficier d'une certaine initiation plus au moins approximative. je sais que as pris des jugement s sincères et tu restes fondamentalement attachée à cette réplique de l'humanité assez inhabituelle mais passablement acceptable. j’espère que tu vas réussir dans tes projets artistiques et nous serons nombreux à te tenir la main aussi virtuelle qu'elle soit pour aller de l'avant du fond de nos tripes ! Bon vent chère Murielle.